Rouges ténèbres by Nicolas Cluzeau

Auteur:Nicolas Cluzeau [Cluzeau, Nicolas]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman policier
ISBN: 9782354880392
Éditeur: Gulf stream
Publié: 2015-09-16T16:00:00+00:00

CHAPITRE 18

Les sept novices étaient agenouillées sur le tapis près du poste de garde. Il faisait chaud dans cette salle : les foyers des nombreux hammams dispensaient une température agréable un peu partout dans le harem impérial.

Les jeunes filles portaient des chalvars de couleur claire, des chemises de soie dorée à motifs abstraits et des gilets rouges cousus de fil d’argent et de perles.

Le visage tourné vers le sol, elles ne voyaient que les pieds chaussés de babouches jaunes des quatre eunuques en face d’elles.

Un pas pesant se fit entendre. Un bruissement de soie l’accompagnait.

— Vous pouvez lever les yeux, à présent, dit une voix caverneuse et autoritaire.

Les sept jeunes filles obéirent.

Elles virent un colosse au visage d’ébène, au nez épaté et aux yeux globuleux, portant un superbe turban vert noué sur sa tête. À la ceinture, il avait un trousseau de clés, plus imposant que celui des gardes.

L’eunuque noir déclara :

— Je suis le maître eunuque du harem impérial. Mon nom est Abdullah. J’ai autant de pouvoir que le grand vizir ou le maître des portes du sultan. Lorsque vous m’adresserez la parole, vous devrez vous mettre à genoux devant moi puis utiliser mon nom et mon titre. Vous m’avez compris, novices ?

Les sept jeunes filles répondirent :

— Oui !

— Parfait.

Deux femmes se tenaient derrière lui. Elles pouvaient avoir entre trente et quarante ans. Leur peau sombre évoquait l’Égypte ou la Syrie. L’une d’elles brandissait fièrement un sceptre à lames d’argent. Leurs habits de simple coupe à rayures vert et or étaient d’une richesse insolente : s’y mêlaient rubans de soie, foulards de satin, dentelles, rubis, bracelets et colliers d’or ou de platine.

Le chef eunuque les désigna :

— Voici la grande maîtresse du harem, Hatice, assistante personnelle de la sultane Roxelane. Elle supervise l’organisation de cet endroit lorsque l’épouse du sultan n’est pas là, comme en ce moment. Celle qui l’accompagne, l’intendante Yurdanur, va vérifier votre santé.

Plus en retrait encore, un eunuque blanc, couvert d’une toque rouge enrubannée, observait la scène d’un œil sévère. Un tatouage étrange, en circonvolutions excentriques, parcourait un de ses avant-bras jusqu’au dos de sa main.

L’une des jeunes filles leva un œil discret sur lui. Elle l’étudia un instant avant de se rendre compte qu’il l’examinait en retour, les sourcils froncés. Puis, sans avoir été présenté aux nouvelles venues, l’eunuque tatoué quitta la pièce par un couloir latéral.

Abdullah, pendant ce temps, continuait son exposé :

— Entrer dans le harem est un insigne honneur. Vous allez vivre et servir dans le saint des saints de l’Empire ottoman, sous l’aile protectrice de l’Ombre de Dieu sur la Terre, le commandeur des croyants. Que vous soyez une esclave achetée sur le marché d’Aksaray ou un cadeau envoyé par un gouverneur de province à notre souverain, ou encore une prise de guerre dans des villes conquises par le glorieux Soliman, votre vie va changer pour toujours. Cette protection et ces privilèges ont un prix : vous devez une obéissance absolue à tous ceux qui sont vos supérieurs sous peine de punitions sévères.

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